jeudi 25 février 2016

Dieudonné Niangouna au TNS - Le Kung Fu : le conflit du cinéma et du théâtre

Dieudonné Niangouna était en résidence de création à Strasbourg.
Même si la pièce a été crée en juin 2014 aux Laboratoires d'Aubervilliers, le spectacle - véritable support de lien social - est adapté et pour ainsi dire recréé à chaque fois qu'il est rejoué dans un nouveau lieu.
Certains d'entre vous ont peut-être vu l'appel à proposition de rejouer une scène de leur film fétiche, qui avait été lancé à la rentrée par le TNS, le  cinéma Star et quelques autres partenaires.
Le résultat de cette production - en fait une sélection puisqu'il y a eu une vingtaine de films tournés - et totalement intégrée au spectacle de Dieudonné Niangouna "Le Kung Fu" qui passe au TNS jusqu'au 6 mars. 

Kung Fu - Dieudonné Niangouna - TNS

Le spectacle est à l'image de son comédien, metteur en scène, auteur,.... Généreux et volubile, drôle et entraînant, rythmé et alerte.
L’histoire - autobiographique - que Dieudonné a mis trois ans à écrire (elle est parue aux éditions "Les Solitaires Intempestifs) raconte, d'une manière plus ou moins romancée, la trajectoire et les péripéties d'un garçon de Brazzaville qui, passionné par le Kung Fu (au cinéma), voulait absolument l'apprendre au temple Shaolin en Chine. Mais pourra-t-il y aller?
  
Le spectacle va être l'intrication de trois aspects de sa vie:
La partie "Kung Fu" avec tout le côté rythme, souffle, mantras, mouvements et philosophie,apprentissage....
La partie "roman d'apprentissage" avec la trajectoire de ce jeune garçon et de son parcours à travers bien des métiers, et tout son amour du cinéma pour finir au théâtre.
Et le troisième, toutes les facettes de ce métier de "comédien", de l'aspect "cirque" à l'invention d'un style de jeu - le "Big! Boum! Bah:" dans un pays en guerre jusqu'à la création d'un festival international de théâtre - Mantsina - à Brazzaville.

Le plus drôle dans cette pièce est de voir que le rêve de cinéma et de Kung Fu, à priori quelque chose qui est plutôt de l'ordre du geste, du mouvement et de la distance va se révéler dans le langage, l'écriture et surtout la parole.
"De l'endroit d'où je viens ,quand tu veux vraiment arriver à quelque chose, les seules issues sont bien souvent l'exil ou la mort. Et ce que j'ai compris, c'est que ce ne sont ni l'exil, nila mort qui m’intéressent, mais l'esquive.Je suis arrivé au théâtre en faisant une "esquive"."
Ce que semble proposer Dieudonné, ce n'est pas de dire quelque chose mais plutôt de parler. Ce n'est pas le sens, apparemment qui prime, mais la parole, parole qui libère et aussi qui lie, qui construit le vivre ensemble.
Et c'est justement pour cela qu'il propose la réalisation des court-métrages:
"C'est important pour moi d'inviter des gens, dans chaque ville où je joue, à partager et prolonger cette idée de "citation", de transmission. A leur tour, ils vont s'emparer des films qui les ont marqués.
... C'est une manière de partager le temps de la représentation sur ce qui nous a "fondés", eux et moi. Nos rêves, nos rages, nos frustrations , nos désirs."
Et il leur laisse pleinement la parole, le temps du film... Il y a quelques bijoux d'humour ou d'hommages. Citons, pour la qualité de leur travail les élèves du Lycée Jean Sturm avec une magnifique scène du "Dictateur" de Chaplin, avec la caricature du discours d'Hitler. Egalement le travail du CEMEA avec trois films, Grease, Les tontons flingueurs et Hook...
Et la collaboration du réalisateur Wolfgang Korwin qui a mené ce travail de main de maître.

Kung Fu - Dieudonné Niangouna - TNS Strasbourg

Et ne croyez pas que le travail de partage s'arrête à la production du spectacle. Non, et pour vous permettre d'y participer pleinement, je vous propose un extrait du texte du spectacle que je vous conseille de réviser avant d'y aller:
"Ultime technique de saisie: tu coupe et tu décales. Lent et rapide. Doux et violent. Tus glisses t tu coupes. Langoureux et vite. La vitesse, la rapidité, la vitesse, la vitesse, t'as rien vu, la vitesse, et je matraque, plus vite, plus vite, plus vite. Je suis plus vite, plus rapide qu'une balle de kalachnikov. La vitesse, la rapidité, plus vite, plus vite, plus vite, plus vite, t'as rien vu, paf! J'ai frappé. La vitesse. Je reprends la phrase, j'accélère encore , plus vite que l'attaque de la vipère....."

Et vous allez voir que tout est affaire de rythme, de mouvement, de concentration et que derrière se cache - et se révèle une certaine conception du monde: le Kung Fu du comédien du Congo, époustouflant.

En voici le début:
  



Bon spectacle

La Fleur du Dimanche

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